Soundless Wind Chime parle de la mémoire et du deuil. Sa mélancolie et son onirisme nous font entrevoir les vestiges réels et imaginaires de la perte amoureuse. Cependant, malgré sa forte charge mélancolique, l'oeuvre est loin d'être sombre. On le doit, entres autres, à cette boucle temporelle récurrente tout au long du film où chaque scène est mise en parallèle et naît d'une autre. On le doit également à ses divers symboles représentants la transformation, le renouvellement et la fermeture.
Entre réalité et fiction ; entre passé, présent et avenir, on a du mal à situer les personnages sur une flèche du temps. Finalement, qui peut dire exactement à quel moment l'histoire amoureuse de Ricky commence et se finit ?
Il n'échappera à personne que le film comporte un fil conducteur et des hors-sujets difficiles à relier. On hésite entre la faute d'écriture et un admirable talent à entretenir la confusion. Je ne pourrais dire de façon affirmative de quoi traite exactement tout ce film. La seule chose qui est sûre :
Soundless Wind Chime fait partie de cette catégorie de films confus, poétiques, émouvants et irrationnels qui ont la guidance existentielle qu'on leur donne.
Je me sens incapable de donner une chronologie exacte. Je me sens également incapable de dire exactement où est l'imaginaire et la réalité. De nombreux évènements et chemins de vie de Ricky sont possibles. Ma première impression était que Ueli est un personnage imaginaire créé par Ricky. Ensuite, j'ai trouvé des raisons à sa venue en Chine pour prendre la place de Pascal. Dans la réalité, tous les scénarios fous sont possibles pour effacer l'inexistence d'une personne chère à notre coeur.
Si je ne peux être sûre du scénario, si je ne peux être convaincue qu'il soit réellement important de s'en soucier, une chose forte demeure à mon esprit : la place donnée aux thématiques. Tout au long du film, les mêmes sujets reviennent sans cesse : le drame, le temps, l'effritement, le deuil, la mort, la transformation, l'hallucination, la renaissance, la mémoire, la nostalgie, l'exclusion, la solitude dont sont témoins et victimes les personnages du film.
Même les scènes assez obscures sur la vieille dame qui danse ou sur la mère de Ricky gardent une forte cohérence si on reste sur la priorisation des thématiques. A mes yeux, ce ne sont pas des scènes ajoutées pour compléter l'histoire mais plutôt les thématiques du film que le réalisateur dissémine plus ou moins adroitement en utilisant la répétition, l'opposition, l'ellipse et le symbolisme.
On peut aussi le noter dans le rythme irrégulier du temps et les comparaisons répétées entre la surabondance humaine d'une ville chinoise, et les espaces vides et silencieux d'une campagne suisse. Ces espaces et ces temps rappellent leur différence culturelle, la vivacité émotionnelle procurée par la présence de l'amour et le vide provoqué par son absence indésirable.
On peut également souligner les musiques qui habillent les scènes en Chine et en Suisse. Lorsque l'hallucination, la douleur ou la mort frappe, la musique devient plus minimaliste, froide et dissonante.
Je finirai sur la discrimination et l'intégration qui ressortent en nuance dans cette oeuvre.
Citons mesdames discriminantes : "les blancs sont homosexuels, les blancs ne sont pas aimables, les blancs sont tous anglais". Pour preuve : je vous parle english very well every day, honey. 🖤
Quant à l'intégration, citons les recruteurs qui profitent du contrat de travail précaire de Pascal pour acquérir du prestige et n'avoir aucune obligation légale d'instruction à lui devoir en retour. Ou bien, le fait que Pascal n'ait pas de prénom chinois. Ou encore, la fidélité, l'aveu d'amour et la dévotion d'amour inégaux dans leur couple.
Ces quelques éléments marquent une difficulté "d'intégration" pour tous les deux, dans la sphère sociale et privée. Ils ont du mal à trouver leur place et à évoluer.
Bien que ce film reste une énigme sur certains de ses aspects, il m'a touchée. En définitive, dans son ensemble, il m'a fait penser à un témoignage sur la séparation. Plus spécifiquement, il m'a fait penser à ces journaux intimes que l'on clôture pour en commencer un nouveau. J'ai trouvé en lui cette confusion délirante du deuil amoureux. Dans ses moments lents, déconstruits, étourdissants se déroulant en Suisse, le récit me rappelle cette quête, hors du temps et de l'espace, du souvenir de notre bien-aimé ; ce sentiment d'être spectateur de notre vie, ni vraiment dedans, ni vraiment dehors ; ces "un petit peu de l'autre" imaginaires et désespérés qu'on va chercher à retrouver dans les lieux, les pierres et les personnes inconnues qui ont un jour croisé le chemin de notre amour perdu. Malheureusement, rien ne sera jamais comme avant, le verdict est sans appel : notre amoureux n'est plus. Ces lieux, ces pierres, ces individus sont pour toujours des étrangers silencieux qui ne rendront jamais notre amour vivace et éloquent.
Soundless Wind Chime est une expérience personnelle qui fait appel à notre écoute et à notre expérience de l'amour. A chacun de remettre les pièces du puzzle aux endroits qu'il souhaite et de (re)trouver cette sonorité triste et assourdissante du souvenir et de la disparition tant évoquée dans cette oeuvre.
Comme dit précédemment, chacun donnera le sens qu'il souhaite à ce film. Pour ma part, dès la première image, j'ai immédiatement ressenti le souvenir de l'expérience solitaire et désespérée du douloureux chemin de la conclusion amoureuse. Peut-être ai-je raison ? Peut-être ai-je tort ? Peu importe.
Ce film n'est pas parfait. Il comporte quelques hors-propos et scènes fantaisistes difficiles à comprendre. Cependant, il est d'une profondeur mélancolique et d'un désir d'aller de l'avant qui toucheront quelques coeurs parmi vous.